Le mariage du mulot

Saisi d’un orgueil démesuré,
Un jeune mulot voulut se marier
À une jeune fille de haute condition,
Telle était sa ferme résolution.
Il alla trouver le soleil,
Prince de lumière, à l’éclat sans pareil,
Et lui dit :
– Seigneur le plus puissant de l’univers,
Je veux votre fille épouser
Et ainsi me hisser au plus haut degré.
– Insensé, dit le soleil, il y a sur terre
Quelqu’un de plus puissant que moi.
Dès qu’il passe, il me foudroie,
C’est le nuage et sa masse sombre
Qui dévore joyeusement mes rayons
Et plonge la terre dans la pénombre.
Va, il te faut aller plus haut !
Le mulot s’en fut donc voir le nuage
Auquel il tint même langage,
Voulant à sa fille se marier,
Lui étant prince de haute lignée.
– Cher ami, lui dit le nuage,
Tu as été bien trompé,
Et je vais te l’expliquer.
Quand, dans le ciel, se lève ce vent de misère,
Il me déchire, me déplace, enfin me chasse.
Crois-moi, va vers ce souffle de mystère
Dont la puissance est pleine d’audace !
Le mulot courut aussitôt voir le vent,
Lui expliquant le but de sa visite :
– Prince de l’air, lui dit-il,
Le nuage m’a vanté tes mérites,
Il me faut épouser ta fille
Et ainsi rejoindre ta puissante famille.
– Ami, lui dit le vent, ne crois pas cela,
Il y a sur terre plus fort que moi.
Il me résiste, même me renvoie,
M’obligeant à repartir en arrière.
C’est un haut mur de pierre,
Résistant à mes folles rafales,
À lui, soumets ton projet nuptial !
– Il me faut trouver femme de haut rang,
Dit le mulot, tu n’es pas assez puissant,
Je dois aller voir ce mur étonnant.
Au mur il conta son projet de mariage,
Le félicitant de son grand renom
Au-dessus des plus nobles noms.
Le mur, entendant ce verbiage,
Fut surpris d’une telle crédulité.
– Vois-tu, dit-il, de toi on s’est bien moqué :
Ici sous mon propre toit,
Il y a bien plus fort que moi
Et je te le prouve sans tarder.
J’ai pour compagne une minuscule souris
Qui profite de mes pierres pour faire son nid.
Elle va, elle vient, elle creuse, elle gratte, elle hère,
Elle se promène dans mon labyrinthe de pierres,
Le transformant en un vaste gruyère.
– Ah, cette souris, dit le mulot, quel crève-cœur,
C’est ma cousine, c’est ma famille, c’est mon malheur !
Je voulais tant fuir ma condition,
D’un piédestal je tombe, quelle humiliation !
– Eh bien, répondit le mur,
Tu dois reconnaître ta nature,
Cesser de vouloir te hisser trop haut.
Va, épouse ta cousine le front haut.
N’est-ce pas folie d’aller chercher très loin
Ce qui est à côté, juste au coin.


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