Le cheval et l’âne

Un cheval paré somptueusement
Allait par les chemins solennellement,
Tout au plaisir qu’un tel harnachement procure,
L’éclat de ses dorures irradiait la nature.
Méprisant, du fait de cette débauche de richesses,
Il clamait à tue-tête que place lui fut faite.
Un âne, écrasé par le poids de sa charge,
Entendant le cheval qui criait : Place ! Place !
Se jeta sur le bas-côté
Pour laisser passer cette majesté.
Le cheval partait à la guerre,
Et d’un âne vulgaire, il n’avait que faire.
En croisant cet être misérable,
C’est de triomphes qu’il avait rêvé.
Quelque temps plus tard, le cheval, retour de guerre,
Était dans un état si pitoyable
Que son maître ne savait qu’en faire.
Jugeant qu’il fallait s’en défaire,
Avec un paysan il fit l’affaire.
Le cheval au passé magnifique
Transportait du fumier d’un pas mécanique,
Écrasé par le chargement,
Empesté par l’odeur abyssale.
L’âne croisa alors le chemin du cheval.
— Sire, lui dit-il d’un air accablé,
Quel grand malheur vous a frappé,
Qu’est devenu votre harnais doré,
Quel sort vous a conduit à cette servitude ?
Muet, le cheval passa, tout en décrépitude.
Il ne pouvait répondre car son sort odieux
Était une insulte à son passé glorieux.

À voir se dérouler la vie,
Qui pourrait croire que tout est acquis ?


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